Édito
LBO Centre d’Art
Un Centre d’art dans un Ehpad
Par Clotilde Rogez, co-directrice de LBO et de l’Ehpad
Le regard porté sur les Ehpad est souvent âpre, il pointe volontiers les aspects les plus morbides. Les termes d’isolement, ghetto, prison et de repli sur soi ont imprégné la perception que la société civile se fait de ces lieux d’accueil.
En réalité, toute institution porte en elle ces risques de dérive, dès lors qu’elle concentre des personnes d’une même classe d’âge présentant des profils et problématiques similaires. C’est pourquoi, l’ensemble des professionnel·le·s de l’accompagnement et de l’accueil qui œuvrons quotidiennement aux Blés d’Or sommes attaché·e·s à défaire cette image tronquée qui colle, parfois à raison mais souvent à tort, aux Ehpad. Nous avons toujours eu à cœur de construire avec les résidents qui chez nous sont des habitants, une maison de vie. Et c’est dans cette perspective que nous avons accueilli avec enthousiasme l’idée de créer un centre d’art en Ehpad.
Il nous a immédiatement semblé que cette démarche invitait à l’ouverture vers de nouveaux regards et offrait la possibilité de modifier les représentations que notre société porte sur ces lieux de passage.
Notre établissement a nourri ce projet par la très grande richesse de vie de toutes les personnes qui résident ici. Au fil des rencontres avec les artistes, ces habitant·e·s se sont révélé·e·s comme les détenteurs·trices d’une mémoire extraordinaire porteuse d’histoires, de trajectoires uniques et singuliers d’hommes et de femmes, faits de tristesses, de joies, d’amour, de désirs, de rencontres, de passions, et de tout ce qui fait le sel et le sens de la vie. Cette somme d’expériences a constitué un vivier stimulant pour la création artistique, une source d’inspiration sans cesse renouvelée. Par les échanges avec ses habitant·e·s et les professionnel·le·s qui en prennent soin, l’Ehpad est apparu comme un lieu de ressources et d’expérimentation vitale pour les artistes dont la démarche s’est confrontée à cette réalité. Ce fut notre première surprise de voir comment le travail des artistes a mis en branle toute cette humanité.
Notre deuxième surprise fut, du côté des professionnel·le·s, d’observer comment la naissance de ce centre artistique a paradoxalement contribué à la reconnaissance du travail des équipes. Le regard porté par les artistes et les mots utilisés pour illustrer leurs impressions sur les missions réalisées quotidiennement, ont mis en lumière l’humanité, la beauté et « l’élégance » que supposent ces métiers de l’accompagnement, du lien et du soin. Un engagement qui va au-delà des savoir-faire et des connaissances de chacun·e. Cette expérience accroît la qualité de notre attention auprès des habitant·e·s, il nous aide à les envisager, à les rencontrer, au-delà de leur seule identité de personne âgée dépendante.
Finalement, c’est cette richesse des mémoires – véritables musées vivants, et cette élégance de l’attention que nous invitons le visiteur à retrouver au fil du parcours des œuvres offert par le LBO centre d’Art en Ehpad.