Le regard porté sur les Ehpad est souvent âpre, il pointe volontiers les aspects les plus morbides. Les termes d’isolement, ghetto, prison et de repli sur soi ont imprégné la perception que la société civile se fait de ces lieux d’accueil.
Ce lieu de vie accueille indifféremment nos aîné·e·s en perte d’autonomie physique ou psychique, des artistes, et des œuvres.
LBO est un Centre d’Art situé dans un Ehpad, à moins que ce ne soit l’inverse. Le motif poursuivi par les artistes et les personnels soignants est de modifier le regard que l’on porte sur les établissements de fin de vie ; tout en réinventant les limites et la définition d’un espace artistique selon un modèle de création partagé qui met en dialogue résident·e·s, artistes et soignant·e·s.
Le Centre d’Art a été inauguré le 24 juin 2022.
Le regard porté sur les Ehpad est souvent âpre, il pointe volontiers les aspects les plus morbides. Les termes d’isolement, ghetto, prison et de repli sur soi ont imprégné la perception que la société civile se fait de ces lieux d’accueil.
Voici deux ans déjà que cette fabuleuse initiative qu’est le Centre d’art LBO invente un monde de rencontres et de création au sein de l’Ehpad Les Blés d’or de Saint-Baldoph. En 2024, ses fondateurs Valérie Mréjen et Mohamed El Khatib en ont confié le commissariat artistique à Julien Daillère. C’est avec lui aujourd’hui, en proche collaboration avec les équipes de l’Ehpad, et aux côtés du Centre Communal d’Action Sociale et de la Mairie de Barberaz, que la scène nationale travaille à la pérennisation du projet, fidèle à l’élan
et aux valeurs qui ont présidé à son ouverture.
Comment permettre à cette expérimentation de se développer ? Comment oeuvrer dans la durée à une imbrication intersectorielle entre art et soin ?
Comment assurer à notre activité commune un espace de pensée et de pratique, un rythme et un vocabulaire qui lui soient propres ?
Sans doute en envisageant la pérennité comme un mouvement permanent, comme une forme d’agilité évolutive. Car la création d’un centre d’art en Ehpad procède d’un déplacement réciproque de nos institutions de la culture et de la santé. Il y a là, à l’oeuvre, une douce et joyeuse métamorphose qui les modifie en profondeur. Vers moins d’inséparé sans doute. Vers plus d’humanité, plus de poésie et plus d’audace très certainement. LBO se fonde sur la subtile plasticité que partagent l’art et le soin. Grâce à lui, cette plasticité devient une force motrice, un vecteur de transformation et d’adaptation.
Et nous, fondateurs et partenaires du projet, nous avançons en faisant. Nous découvrons peu à peu ce que nous créons ainsi que les tissages relationnels qui en résultent avec les habitant.es de l’Ehpad, les artistes, les personnels, l’équipe de la scène nationale, les familles, les visiteurs, les citoyennes et citoyens du territoire. Nous échangeons aussi avec nos pairs, de plus en plus nombreux, à l’image de ces autres lieux « agissants » et hybrides réunis au sein du réseau « Art, soin, citoyenneté » initié par le 3bisf à Aix-en-Provence. Les alliances sont diverses, les expériences multiples mais les enjeux pour notre temps indubitablement majeurs.
Aux côtés des efforts fournis par toutes les personnes impliquées dans la vie quotidienne aux Blés d’Or, et dans le prolongement des équipes à l’origine de cette initiative, je souhaite participer, en tant que commissaire artistique, à faire de cet Ehpad un lieu hospitalier aux deux sens du terme : un lieu médicalisé, mais aussi un lieu où l’on a plaisir à être accueilli pour visiter une exposition, rencontrer des artistes, assister à une
représentation de spectacle vivant, pratiquer les arts, etc.
Trois ans après le lancement du LBO, la collection de ce Centre d’art devient conséquente : les murs et espaces communs de l’Ehpad sont chargés. Il devient nécessaire d’envisager de nouveaux modes d’exposition. Nous pourrions peut-être inviter des artistes à créer des oeuvres mobiles, qui pourront être prêtées temporairement à d’autres Ehpad, sur le modèle des artothèques. C’est en cours de réflexion, en lien notamment avec les Musées de Chambéry.
Certains supports de visite vont être repensés : l’audioguide sera remplacé par un Serveur Vocal Interactif, plus facile à mettre à jour lors de l’exposition de nouvelles oeuvres. Cela permettra aussi aux personnes qui le souhaitent de commencer leur visite à n’importe quel endroit de l’établissement, par un simple appel téléphonique. En complément, des plans de muséographie par étages, accompagnés de livrets, seront prochainement disponibles.
Les formes artistiques accueillies évoluent aussi, avec une place ouverte au spectacle vivant et à la performance pour créer des moments festifs où l’accueil des familles et du grand public aura toute sa place, et où le corps sera plus impliqué aussi.
Enfin, les habitant·e·s et le personnel de l’Ehpad sont encouragés à passer commande à des artistes, à participer à la médiation, pour prendre pleinement leur place dans ce qui est avant tout un lieu de vie, de travail et de visite, avant d’être un espace muséal.